Ce documentaire intitulé « Bien nourrir son cerveau », démontre que l’alimentation gouverne nos humeurs et nos pensées. Une raison de plus de bouder la malbouffe.
On savait la « malbouffe », cette alimentation trop sucrée, trop salée et gorgée de mauvaises graisses, terrible pour notre tour de taille - ce qui n’empêche pas les publicitaires de saturer nos écrans de hamburger, chips et autre cookies trop dorés pour être vrais. Elle se révèle aussi, au terme de nombreuses études scientifiques menées ces dernières années, l’un des pires ennemis de… notre cerveau. Concrètement, il est désormais certain que mal manger influence négativement nos humeurs, nos comportements et même nos décisions. Mais l’inverse est aussi vrai ! Bien manger peut avoir des effets bénéfiques sur le fonctionnement de nos neurones et de notre système nerveux. C’est ce que révèle l’excellent documentaire de Raphaël Hitier, parti à la rencontre des nombreuses équipes de recherche qui explorent, partout dans le monde, les liens entre alimentation et cerveau.
« On sait que la malbouffe fait grossir mais les neurosciences nous disent qu’elles pourraient aussi rétrécir le cerveau », lance la chercheuse australienne qui ouvre le film. Elle a étudié pendant cinq ans le comportement d’enfants en le corrélant à la façon dont les mères s’étaient alimentées pendant leur grossesse. Résultat : quand celles-ci ont absorbé une nourriture riche en produits sucrés, snacks salés, plats transformés, les enfants se sont montrés plus querelleurs et agressifs, plus tristes et plus anxieux. Comment la malbouffe peut-elle avoir de tels effets ?
Des carences dangereuses
Première explication : elle ne nous apporte pas les nutriments dont notre cerveau a besoin. Ces carences pourraient modifier nos comportements. Le corps, en effet, ne sait pas fabriquer certains éléments indispensables au bon fonctionnement cérébral et les trouve dans l’alimentation. Chez les rongeurs, les découvertes sont édifiantes. Par exemple, un rat qui manque d’Omega 3 développe un comportement anxieux alors que son congénère nourri de façon équilibrée se montre plus aventurier, révèle la chercheuse à l’Inra à Bordeaux Sophie Layé :« Les Oméga 3 rendent le cerveau plus efficace : les acides gras se propagent dans les membranes et en améliorent les propriétés électriques, ce qui permet au signal de se propager plus vite. Priver le cerveau d’Oméga 3, c’est prendre le risque que le cerveau fonctionne moins bien. »
Or si cet acide gras est très présent dans les poissons gras, huiles végétales et graines, il est fort rare dans la nourriture industrielle… Même topo pour les vitamines B3, dont la carence chez le hamster d’Alsace génère des comportements hyperagressifs - pendant la reproduction, les femelles dévorent leurs petits ! - qui disparaissent une fois l’animal supplémenté.
Le pire, c’est que ce que le cerveau humain pourrait bien réagir de la même façon que celui du rongeur. Comme le montre une expérience conduite dans une prison, un détenu dont on complète l’alimentation pendant trois mois avec des vitamines, des minéraux et des acides gras, se tient à distance de la violence qui peut parfois régner dans l’univers carcéral. L’individu réagirait-il, voire réfléchirait-il, différemment selon ce qu’il trouve dans son assiette ? Oui. La chercheuse So Young Park, de l’université de Lübeck, montre que la nourriture influence jusqu’à nos pensées.
Dans son laboratoire, les patients ne prennent pas les mêmes décisions selon qu’ils ont absorbé (à leur insu) un petit-déjeuner plus ou moins protéiné. Pourquoi? Parce que l’abondance de protéines augmente le taux de tyrosine dans le sang, un acide aminé qui entre dans la composition de la dopamine, impliquée dans la motivation et la prise de risque. L’augmentation de la quantité de dopamine dans le cerveau change notre comportement.
(© Vincent Fooy/Galaxie Presse)
Le sucre tout puissant
Dans ce contexte, la malbouffe, elle, ne fait pas (du tout) le job. Chez les rats, des expériences révèlent qu’un régime à base de frites et de cookies est responsable d’une perte de mémoire : ce bol alimentaire entraîne « une altération de l’hippocampe, région au cœur du cerveau, indispensable à l’apprentissage et à la consolidation des souvenirs », explique la scientifique australienne Margaret Morris. Notre mémoire, nos capacités intellectuelles sont-elles menacées ? Les chercheurs s’inquiètent.
Comment, sachant tout cela, la malbouffe règne-t-elle en maître sur les assiettes et les écrans des consommateurs occidentaux, et grignote-t-elle inexorablement le reste du monde ? La faute au sucre, omniprésent dans cette alimentation - y compris dans une tranche de jambon ou dans une soupe industrielle. Les nutritionnistes le répètent, les chercheurs le prouvent : le sucre nous rend complètement accros - peut-être plus encore que la cocaïne et l’héroïne soupçonnent-ils - et le plaisir se réduit à mesure qu’on en absorbe. On en veut donc toujours plus. Un cercle vicieux largement responsable de l’épidémie d’obésité dans le monde. Cette addiction pourrait s’expliquer par le rôle de bactéries à la manœuvre dans notre intestin, qui communiquent directement avec le cerveau via le nerf vague, et joueraient un rôle dans nos préférences alimentaires. Une piste qui doit encore être creusée.
En attendant, une chose est sûre : mieux vaut opter pour un régime diversifié, qui boude la nourriture transformée et le sucre, et fait la part belle aux fruits et légumes façon régime méditerranéen.
article complet avec un super film sur le sucre
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